Vous le savez, les plantes sont partout. Elles sont autour de nous, se glissent dans les moindre failles de bitumes, recouvrent les terres émergées… si bien qu’aucun jeu vidéo, même aussi simpliste graphiquement que Minecraft, ne saurait s’en passer !
Le jeudi 18 mars 2021, le Collectif Conscience m’a convié à un live sur leur chaîne Twitch pour un hors-série de Minecraft Explorer – une performance entre art et science visant à utiliser le jeu Minecraft pour expérimenter et parler de sciences. Une bonne occasion pour une séance d’herborisation virtuelle qui permettra de réaliser un inventaire botanique de ce monde cubique.
Botanique cubique au pays de Minecraft
Lorsqu’on explore la botanique de Minecraft, de quoi parle-t-on exactement ? Une carte de Minecraft représente plusieurs environnements : le monde du dessus « Overworld » et le monde du dessous, puisque l’on peut creuser dans des cavernes.

Ce monde est construit avec des blocs cubiques de matériaux divers et variés, arrangés de façon aléatoire dans un monde avec des règles d’assemblage qui génèrent des environnements particuliers que l’on appelle des « biomes ».
Il existe aussi des dimensions parallèles comme le « Nether » et l' »End » dans lequel on peut trouver des créatures fantastiques et quelques plantes inexistantes à la surface de la planète, mais je ne m’étendrais pas là dessus dans cet article.
Si chaque bloc de Minecraft a 1 mètre de côté et que l’on regarde la taille maximale de la surface émergée de l’Overworld, elle serait limitée à 8 fois la taille de la Terre, soit 4096 millions de kilomètres carrés. Si on compare côte à côte un plan de Minecraft et nos planètes (ce qu’on fait les créateurs de « The scale of the Universe« ) on voit bien qu’on a un plan qui fait la taille de Neptune à explorer !

Tels de petits naturalistes cubiques, nous partons donc en expédition botanique afin de recenser la flore des différents biomes : biomes enneigés, biomes tempérés, biomes chauds… quelles surprises nous réserve le jeu ?
Faire de la botanique, c’est quoi ?
« On », en tant qu’espèce, connaît les plantes depuis très longtemps, puisqu’on les mange, qu’on les utilise pour tisser nos vêtements, bâtir nos murs, créer nos médicaments… Résumons très grossièrement dans ce paragraphe :
La première grande avancée dans notre compréhension des plantes est probablement l’invention indépendante de l’Agriculture au Néolithique (vers 9000 av. J.C), dans plusieurs régions du monde. De chasseurs-cueilleurs, les humains se sédentarisent, commencent à raisonner leurs pratiques et à sécuriser leurs productions de nourriture. On sait que les Egyptiens et les Mésopotamiens étaient déjà passés maîtres de l’horticulture et la médecine, de même que les Chinois.
On considère cependant qu’en Europe, le père de la botanique est Théophraste (327-287 av. J.C.), un disciple d’Artistote qui a consacré une grande partie de son travail à la compréhension des plantes et de leurs usages. Après cette première tentative de théorisation du monde végétal, les plantes sont longtemps traitées uniquement comme quelque chose d’utilitaire.
La botanique théorique ne revient que quelques siècles plus tard, avec la multiplication des grandes expéditions européennes dans le monde. Les explorateurs reviennent avec un nombre croissant de nouvelles plantes exotiques des quatre continents. Devant le foisonnement et la diversité de ces nouveaux specimens, les naturalistes européens n’ont qu’une solution : organiser les choses et les nommer. Si l’histoire retient majoritairement Carl von Linné, l’homme qui proposa le système de nomenclature binomiale, beaucoup de botanistes ont contribué à apporter un vocabulaire nouveau pour décrire des plantes et à tenter leurs propres systèmes de classification. Linné avait d’ailleurs proposé une classification basée uniquement sur le nombre d’organes sexuels des fleurs, qui n’a pas du tout été retenue aujourd’hui (non, il n’avait pas raison sur tout !). (1)
La botanique, dans une définition très large, a toujours été l’étude des plantes. Le travail d’un botaniste peut consister à collecter des échantillons, les observer, les conserver, les décrire, les classer… Il existe des botanistes spécialisés : les pomologues étudient les fruits et les noix, les ptéridologues étudient les fougères, les bryologues étudient les mousses, les dendrologues étudient le bois, les pallynologues le pollen…
Dans cette expédition minecraftienne, jouons les botanistes naturalistes curieux, et contentons nous de relever les plantes existantes dans Minecraft, en tentant de les identifier ! Pour l’occasion, j’avais décidé de me déguiser en Poison Ivy… même si j’ai du utiliser un skin de tortue ninja pendant le live.

Observation botanique, écologie
Lorsque des botanistes réalisent des inventaires, ils délimitent en général une surface sur laquelle observer. Pour qu’une observation botanique soit valide, il faut au minimum un nom de taxon (c’est à dire le groupe auquel appartient une plante), une localisation (ce qui est grandement simplifié avec les GPS), une date et un observateur.
Il existe des relevés linéaires ou des relevés de surface (jusqu’à 1 hectare), et ils peuvent avoir plusieurs fonctions : quantifier une population d’une espèce donnée, suivre l’évolution des populations de fleurs par rapport à d’autres, observer les espèces voisines, relever une flore caractéristique d’un milieu… chaque type de relevé a sa méthode, mais le plus facile est probablement de réaliser des quadrats, ce qui est facile dans un monde… cubique.
La méthode des quadrats a été développée par deux écologues, Pound et Clements. Elle propose d’observer le nombre d’espèces dans un carré de côté fixé, puis de réaliser cette observation plusieurs fois dans un même environnement, pour obtenir une sorte de moyenne de la biodiversité dans cette zone. En écologie, ces méthodes permettent d’obtenir des données comme la « richesse spécifique », en clair le nombre d’espèces dans un environnement donné, comme un indice de la biodiversité d’une région du monde.
Un exemple avec cette carte du monde, qui représente la richesse spécifique en plantes vasculaires des différentes zones géographiques sur Terre. On voit qu’il y a de grands foyers de biodiversité en Asie du Sud-Est, dans les îles du Pacifique ou en Amazonie.

Pour votre information personnelle, on considère que sur Terre il y aurait (en arrondissant), 390800 espèces de plantes, dont 352000 plantes à fleurs (Angiospermes), 1050 espèces de Gymnospermes (les sapins, tout ça), 15000 espèces de fougères et de prêles (Trachéophytes), 22750 espèces de mousses (Bryophytes). L’inventaire le plus complet des noms de toutes ces plantes est disponible sur The Plant List.
En l’occurence, comme une plante dans Minecraft ne peut pousser que sur un bloc, un quadrat d’un mètre, taille couramment utilisée en enseignement, serait beaucoup trop petit ! Durant cette expédition Minecraftienne, nous avons vite réalisé que même un quadrat de 10 cubes sur 10 ne serait pas suffisant, nous nous sommes donc contenter de prélever toutes les plantes possibles dans les différents environnements parcourus, pour les ramener à la base et les classer.
Afin de planifier l’expédition, une petite recherche bibliographique s’imposait.
Sur le wiki de Minecraft, on peut retrouver la liste des fleurs selon leurs biomes :

On voit bien que même si certaines zones sont plus riches en plantes, le nombre d’espèces représentées est rarement de plus de 10 par biome (arbres inclus). Ce qui est nettement inférieur à la biodiversité réelle. Essayez de regarder la flore présente le long d’un trottoir, même en ville… il est très rapidement possible de trouver 10 plantes différentes !
Dans Minecraft, la forêt fleurie semble en tout cas être l’environnement le plus riche en espèces végétales, et donc le plus intéressant pour un botaniste cubique. C’est dans cet endroit que nous avons ramassé le plus d’échantillons.
Bien qu’il y ait quelques modes Minecraft pour ajouter des plantes et jardiner avec plus de fleurs, on reste sur une biodiversité plutôt pauvre, finalement. Ces choix se justifient évidemment – en jeu chaque élément pèse son poids de données, et chaque plante collectable doit être justifiée pour ses usages, en terme de Game Design. C’est pour cela que la plupart des jeux ne proposent guère plus que quelques dizaines d’espèces de plantes, souvent les plus connues. A part quelques jeux dont l’objectif en lui même est de collectionner les plantes, comme « The Botanist« , la plupart des jeux sont très orientés sur l’aspect jardinage et non sur l’aspect collection ou identification. Heureusement qu’on peut s’amuser avec quelques jeux comme « The Plant Game » proposé par Tela Botanica pour réellement apprendre à reconnaître les plantes. Attention, ce n’est pas facile !
Les différents projets de jeu autour des plantes feront l’objet d’un article à part un jour sur ce blog, c’est promis !
Mais revenons à notre expédition.
Des noms des plantes
En botanique, la nomenclature est un aspect important. Il faut donner le bon nom à la bonne plante, sinon… catastrophe ! Certains noms communs (on dit aussi noms vernaculaires) peuvent désigner plusieurs plantes, mais le nom scientifique n’existe qu’en un exemplaire à travers le monde, et désignera toujours la même plante.
Par exemple « herbe à la coupure » est le nom vernaculaire de l’Achillée millefeuille (Achillea millefollium), de la consoude officinale (Symphytum officinale) ou de l’orpin reprise (Sedum telephium), selon les régions. (2)
Chose amusante, les jeux vidéos utilisent peu de noms scientifiques pour la description des plantes. Pourquoi ? Probablement parce que « Bellis perennis » est un nom qui ne vous évoquera rien du tout, alors que « pâquerette », peut être ! Personne n’apprend les noms scientifiques des plantes s’il n’y est pas obligé, même si c’est bien pratique pour éviter de confondre les noms de deux espèces.
En prélevant dans ce vaste monde, on se rend compte qu’avec quelques pixels, on ne peut que présumer du nom des espèces choisies. C’est lorsqu’on les cueille que nous est dévoilé leur nom dans notre inventaire ! Et force est de constater que la plupart des noms collent relativement bien avec leur aspect, tout en laissant le mystère sur l’espèce exacte.
Les botanistes qui découvrent une espèce pour la première fois ont l’honneur rare de les nommer selon leur convenance, choisissant un nom scientifique qui évoque leurs caractéristiques (ex: Abies alba, le sapin blanc), un autre botaniste (ex : Magnolia en l’honneur de Pierre Magnol ((1638-1715)), ou encore un nom marrant (ex: Begonia darthvaderiana en l’honneur de Dark Vador), tout simplement.
Biodiversité minecraftienne
Suite à notre expédition, voici un relevé des plantes que nous avons trouvé, ainsi qu’une proposition sur leur espèce et leur famille botanique. Ce n’est évidemment qu’une interprétation, d’ailleurs vous pourrez faire vos remarques et suggestions en commentaire si vous avez d’autres hypothèses sur l’identification des espèces dans Minecraft !
Dans les inventaires de « plantes » sur le Wiki de Minecraft, vous trouverez également les champignons… s’ils ont longtemps été étudiés en même temps que la botanique, on sait désormais qu’il s’agit d’un règne à part et qu’ils sont différents des végétaux.
Nom français | Nom anglais | Nom scientifique | Famille botanique |
Cactus | Cactus | Carnegiea gigantea ? | Cactaceae |
Pomme de terre | Potato | Solanum tuberosum | Solanaceae |
Citrouille | Pumpkin | Cucurbita pepo | Cucurbitaceae |
Canne à sucre | Sugar cane | Saccharum officinarum | Poaceae |
Pastèque | Melon | Citrullus lanatus | Cucurbitaceae |
Blé | Wheat | Triticum sp. | Poaceae |
Algue | Kelp | Fucus ? | Laminariaceae |
Plante grimpante | Vines | Kudzu ? | Fabaceae |
Bambou | Bamboo | Dendrocalamus giganteus ? | Poaceae |
Nénuphar | Lily pad | Nymphaeae sp. | Nympheaceae |
Acajou | Jungle tree | Cedrela sp. | Meliaceae |
Acacia | Acacia | Acacia cornigera ? | Mimosaceae |
Bouleau | Birch | Betula sp. | Betulaceae |
Sapin | Spruce | Picea abies | Pinaceae |
Chêne noir | Dark oak | Quercus nigra | Fagaceae |
Chêne | Oak | Quercus robur | Fagaceae |
Herbe | Grass | Lolium ? | Poaceae |
Fougère | Fern | Polypodium ? | Polypodiaceae |
Pissenlit | dandelion | Taraxacum sp. | Asteraceae |
Coquelicot | poppy | Papaver rhoeas | Papaveraceae |
Orchidée bleue | blue orchid | Phalaenopsis sp. | Orchidaceae |
Allium | allium | Allium sp. | Liliaceae |
Houstonie bleue | azure bluet | Houstonia caerulea | Rubiaceae |
Tulipe rouge | red tulip | Tulipa sp. | Liliaceae |
Tulipe orange | orange tulip | Tulipa sp. | Liliaceae |
Tulipe blanche | white tulip | Tulipa sp. | Liliaceae |
Tulipe rose | pink tulip | Tulipa sp. | Liliaceae |
Marguerite | oxeye daisy | Leucanthemum vulgare | Asteraceae |
Tournesol | sunflower | Helianthus annuus | Asteraceae |
Lilas | lilac | Syringa vulgaris | Oleaceae |
Rosier | rose bush | Rosa sp. | Rosaceae |
Pivoine | peony | Peonia sp. | Paeoniaceae |
Bleuet | cornflower | Centaurea cyanus | Asteraceae |
Muguet | lilly of the valley | Convallaria majalis | Amaryllidaceae |
Sur ce relevé de plantes, on peut observer qu’on a tout de même une vingtaine de familles botaniques représentées en jeu, parmi les plus de 600 familles déterminées. Les familles les plus représentées sont les Asteraceae (6 espèces), puis les Poaceae (3 espèces). Dans le monde réel, ce sont des familles importantes, les Asteraceae étant la deuxième plus grande avec plus de 23 000 espèces, les Poaceae regroupant une grande partie des céréales cultivées dans le monde (maïs, blé, orge, seigle…).
On peut remarquer que la seule plante qui se décline en plusieurs couleurs dans le jeu est la tulipe, probablement parce que c’est l’une des stars des plantes horticoles… Au XVIIe siècle, l’engouement pour les tulipes (la tulipomanie) était tel qu’il a généré une petit crise économique en Hollande. Certains bulbes se seraient vendus à l’époque pour le prix de deux maisons !
On remarque également que certaines plantes ont été mal traduites en français. Spruce, l’épicéa devient donc un sapin dans la version française et le « Jungle tree » non identifié devient l’Acajou…
La plus grande famille botanique du monde réel est celle des Orchidaceae, avec plus de 25 000 espèces. Bizarrement dans Minecraft, il n’en existe qu’une : l’orchidée bleue. Elle n’existe pas dans la vraie vie, mais des Phalaenopsis colorées au bleu de méthylène sont vendues dans les boutiques de fleuristes. Rassurez-vous, le bleu existe tout de même dans la nature. Rendez-vous ici pour comprendre pourquoi certaines plantes sont bleues.



Un jardin botanique dans Minecraft
Chargés de nos échantillons botanique, nous rentrons à la base pour les exposer et tenter de les acclimater dans une superbe serre construite pour l’occasion, et inspirée de la serre victorienne des jardins de Kew à Londres. Un gros bravo à l’équipe de Minecraft Explorer pour cette construction pharaonique !
Sans oublier le magnifique bassin à nénuphar, dont tout bon jardin botanique ne saurait se passer ! A Nancy chaque année, une séance photo de bébés sur nénuphars géants est organisée dans le bassin… une attraction plutôt loin de la botanique, mais qui a au moins le mérite de faire parler du lieu. J’en profite pour vous informer, si vous l’ignorez, que la sublime serre historique de Bary abritant les nénuphars du Jardin Botanique de Strasbourg est à l’abandon depuis des années, faute de financements pour sa rénovation. Si vous avez trop d’argent (on ne sait jamais !) et que vous souhaitez financer une bonne cause, c’est par ici !

A quoi sert un jardin botanique au juste ? Pour la plupart des visiteurs, c’est un joli jardin dans lequel on peut se promener parmi de jolies plantes, certaines étant nommées par des petits encarts en métal ou en plastique…
Mais pour les botanistes et les scientifiques, c’est un véritable lieu d’expérimentation et de conservation ! Une collection, grandeur réelle de la biodiversité du monde entier et le terrain de jeu idéal pour ouvrir un nouveau regard sur le monde.
Le besoin de rassembler les espèces nouvelles et exotiques s’est fait ressentir dès le XVIème siècle, suite aux premières expéditions naturalistes. Sous l’impulsion des familles royales (et de leur moyens financiers), des jardins botaniques gigantesques sont commandés. Et on ne lésine pas sur les moyens à l’époque, car ils doivent représenter la grandeur et la supériorité (intellectuelle et commerciale) de chaque pays. Plus les plantes des collections viennent de loin, plus le jardin est prestigieux !
Un soin tout particulier est apporté à l’agencement des plantes. Celui-ci est très souvent propre à chaque jardin. Le premier jardin botanique universitaire d’Europe par exemple, créé à Padoue en 1545 rassemble des plantes médicinales, qui sont classées selon leur provenance géographique.

D’autres jardins les classent exclusivement par usage, ou par familles évolutives. Dans cette serre « maison », la partie centrale abrite un bassin pour les plantes aquatiques ainsi qu’une collection d’abres, la partie de gauche accueille les plantes alimentaires et la partie de droite les plantes à fleurs récoltées pendant l’expédition, avec des bacs séparés pour chaque famille.
Mais avant de les trier et de les ranger, il faut rappeler que ramener des plantes est un petit exploit en soi : à l’époque pour les transporter, on embarque des graines et lorsqu’on est incapable de les faire germer, on construit d’ingénieux systèmes de caisses ventilées sur les navires pour emporter des plants vivants. Un vrai défi lorsque l’eau potable est rationnée !
Mais toutes ces plantes nouvelles ne poussent pas par l’opération du Saint-Esprit, même lorsque le voyage est terminé. Les bananiers, cocotiers, et autres plantes tropicales supportent mal les hivers anglais… Des générations de jardiniers tenteront d’acclimater des plantes comme les orangers, dans les célèbres « orangeries ». A partir du XVème siècle et du développement de l’industrie du verre et du métal, il est également possible de fabriquer des serres. Ces structures laissent passer la lumière et peuvent être chauffées lorsqu’il fait froid – une véritable petite révolution pour la conservation ! Désormais, même les plantes qui aiment la chaleur toute l’année peuvent survivre en Europe. (3, 4)
Il restait aux scientifiques à comprendre les besoins spécifiques de chacune des plantes entretenues. Par exemple, dans Minecraft nous avons vite réalisé que ces cactus prélevés dans un biome désertique ne pouvaient pousser nulle part ailleurs que sur du sable. Il nous a donc fallu remplacer la terre de la serre par des blocs désertiques.

De nombreuses histoires improbables existent sur l’acclimatation des plantes dans les jardins botaniques et je ne vais pas non plus m’attarder dessus dans cet article, mais c’est une aventure et un challenge en soi.
Plantes utilitaires
Bon, vous me direz… pourquoi devrait-on absolument avoir toutes les plantes du monde chez soi ? Acclimater de nouvelles plantes à nos environnements et percer les mystères de leur culture répond à plusieurs enjeux, plus importants qu’on ne pourrait le penser au premier abord !
Aujourd’hui, une grande partie des fruits, légumes et denrées que nous achetons sans faire attention au supermarché ne viennent… pas de chez nous. Soit parce qu’ils sont encore importés de pays chauds (comme l’avocat ou le café), soit parce qu’ils ont été introduits récemment.
La maïs, la patate, la citrouille, la courgette ou la tomate viennent tous d’Amérique du Sud, par exemple et sont arrivés en Europe entre le XVIème et le XXème siècle, progressivement. Aujourd’hui ils font l’essentiel des étals de supermarché, souvent au détriment d’autres fruits et légumes plus locaux. C’est grâce à ces espèces exotiques que l’Europe a échappé à plusieurs famines et que l’on continue à découvrir de nouvelles espèces d’intérêt commercial et alimentaire. Le sucre que vous consommez provenait encore essentiellement, jusqu’au XIXème siècle de la canne à sucre (Saccharum officinarum), une plante dont l’origine remonte à l’Indochine et qui s’est exportée dans tous les pays tropicaux. Maintenant en Europe, l’industrie du sucre s’appuie également sur la betterave sucrière (Beta vulgaris).


Dans Minecraft, l’agriculture et la collecte de plantes est tout aussi importante que dans la vraie vie, puisqu’elle permet à votre personnage de ne pas mourir de faim, de fabriquer du sucre, des pigments et autres produits dérivés pour la construction d’objets. Elle permet au bétail de se reproduire et de vous fournir de la viande. Comme dans la vraie vie, vous pouvez utiliser des engrais (en l’occurence de la poudre d’os) pour accélérer la production et augmenter vos rendements de blés. Je laisse aux spécialistes du jeu le soin de faire la liste des tutoriels recettes !
La botanique sauvera le monde
Aujourd’hui, la botanique ne fait pas vraiment partie de la culture générale. Pour l’étudier, il faut aller en faculté de biologie, de pharmacie, ou suivre des diplômes universitaires. Et pourtant, les botanistes sillonnent encore le monde pour trouver de nouvelles plantes d’intérêt alimentaire ou pharmaceutique. Les antibiotiques de demain sont peut-être cachés dans une forêt tropicale… ou dans la prairie d’à côté ! Dans le même temps, les biologistes végétaux oeuvrent à mieux comprendre les mécanismes à l’oeuvre dans la croissance et le développement des plantes, ouvrant la porte à de nouvelles solutions pour lutter contre la sécheresse et le réchauffement.
Minecraft a depuis longtemps pour politique de stimuler la créativité des joueurs et leurs équipes s’associent fréquemment à des associations ou des organisations pour des opérations éducatives ou de sensibilisation à la nature. Vous pourrez vous en rendre compte sur le site de Minecraft Education Edition.
De nombreuses ressources et cours en ligne sont disponibles pour étudier des choses aussi diverses que la structure des cellules eucaryotes ou les espèces disparues. De nombreux modes de minecraft sont développés par la communauté, pour créer de nouveaux jeux comme de nouveaux supports d’enseignement. C’est toute la puissance des jeux « bac à sable » dans laquelle toute forme de construction est possible et dans lesquels le seul facteur limitant est l’imagination !
Cependant, étrangement, il existe encore peu de ressources pour étudier la botanique dans Minecraft ! Peut-être que cette expédition prouvera qu’elles sont également un sujet digne d’intérêt. Bien que la flore de Minecraft ne soit pas exhaustive en soi, elle est un excellent prétexte pour aborder des dizaines de sujets connexes à la botanique.
Si en passant quelques heures dans le jeu, on peut se rendre compte de l’importance des plantes pour nos sociétés et redonner envie à quelques personnes de les remarquer, voire de les étudier… alors ce ne sont certainement pas des heures perdues !
***
Comme nous ne découvrirons probablement pas de nouvelle espèce de plante de notre vivant, nous nous sommes octroyés en jeu la prérogative de nommer l’orchidée bleue de Minecraft « Phalaenopsis minecraftiana » et la pivoine « Peonia thibaultiana » en l’honneur de Thibault Brunet qui organise des expéditions scientifiques dans le jeu. (Plus d’infos sur la page du projet Minecraft Explorer)
Un grand merci aux accompagnateurs, Maxime Labat, Théo Silvagno, Jules Séverac, Gauthier Lecavalier, Laura Gouby, Léa Habourdin et Erwitt le photographe de l’expédition.
Pour aller plus loin :
La page du projet Minecraft Explorer
Pour découvrir les usages des plantes du monde entier, rendez-vous sur le site de PlantUse.
1.Magnin-gonze, J. Histoire de la botanique. (Delachaux, 2015).
2.Rameau, J.-C., Mansion, D. & Dumé, G. Flore forestière française: Plaines et collines. (Forêt privée française, 1989).
3. Allain, Y.-M. Une histoire des jardins botaniques: Entre science et art paysager. (Editions QUAE GIE, 2012).
4.Allain, Y.-M. Une histoire des serres: De l’orangerie au palais de cristal. (Editions QUAE GIE, 2010).